L’église abbatiale de Berteaucourt-les-Dames

L’abbaye de Berteaucourt-les-Dames a été fondée en 1095 par Godelinde et Héléguide, deux dames envoyée par Gautier, alors abbé de Saint-Martin de Pontoise, à l’endroit où il s’était retiré en ermitage, en bord de Nièvre. L’ancienne église abbatiale, dédiée à Saint-Nicolas est devenue paroissiale depuis la dissolution de la communauté religieuse à la Révolution française. Elevée au XIIe siècle, peu remaniée sous l’Ancien Régime, et restaurée au XIXe siècle, cette ancienne église abbatiale a été l’un des tous premiers monuments historiques du département protégé sur la 1ère liste établie par l’Inspection des Monuments Historiques en 1840. Remarquable tant par son architecture que par ses décors, elle offre l’un des rares exemples d’architecture romane dans la Somme. Son originalité tient surtout à sa ressemblance avec les églises romanes élevées dans le Poitou à la même époque. Sa façade occidentale semble directement inspirée de Notre-Dame la Grande de Poitiers.

Comme à Poitiers, le portail central s’ouvre sous un arc en plein cintre formé de trois cordons de voussures décorées de motifs sculptés qui associent les personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Dans la partie supérieure, la façade est traversée par des décors d’arcatures qui reposent sur des têtes de monstres sculptées dans la pierre. Et surtout, la façade se termine par un pignon dans lequel est représenté un Christ en croix dans un cercle de pierre, à la manière de Notre-Dame la Grande de Poitiers. A l’intérieur, l’église présente une certaine harmonie avec une architecture et des décors de style roman, même si toute la partie nord de la nef ainsi que le chœur ont été restaurés dans le style au XIXe siècle, sous la direction d’Edmond Duthoit.

La nef à trois vaisseaux s’élève sur deux niveaux. Le 1er niveau est rythmé par des piliers massifs et peu élancés, alternant piliers circulaires et piliers polylobés à huit faisceaux. Le 2ème niveau du vaisseau central est percé de baies de petites dimensions placées sous des arcs en plein cintre. Il est couvert d’une voûte en bois en carène de bateau. Dans le chœur, restauré au XIXe siècle, les baies s’ouvrent elles aussi sous des arcs en plein cintre. Plusieurs piliers sont surmontés de chapiteaux décorés de figures sculptées : des oiseaux buvant dans une même coupe, des sphinx affrontés, des archers tenant des arcs asiatiques, un homme coiffé d’un bonnet à l’écoute d’un animal...

Tous ces motifs rappellent eux aussi les décors sculptés des églises bâties dans le Poitou au XIIe  siècle, comme les animaux fabuleux des chapiteaux de l’église d’Airvault. Ils traduisent une influence orientale inspirée des objets d’art rapportés par les pèlerins de Terre Sainte.

D’autres éléments de décor et du mobilier de l’église attirent l'attention.

Le monument funéraire élevé au début du XVIIe siècle en l’honneur de l’abbesse Antoinette Charlotte de Halluin (décédée en 1586) a été classé M.H. dès 1840. Hyacinthe Dusevel a retrouvé ce monument presque intact au milieu des vestiges de l’église.

L’œuvre a probablement été réalisée avant 1610 à l’initiative de l’abbesse Angélique d’Estrée (la sœur de la célèbre Gabrielle !). Il a été démonté et remonté lors des travaux de de restauration du chœur entre 1875 et 1878. L’ensemble en pierre de taille, polychrome, prend place sous un arc de triomphe encadré de colonnes cannelées coiffées de chapiteaux corinthiens. Deux religieuses agenouillées, probablement l’abbesse et la prieure, accompagnées de leurs Saints Patrons, prennent place sous le Christ au mont des Oliviers. Les Frères Duthoit en ont réalisé un dessin à la plume lors de la découverte du monument.

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Le vitrail du bras nord du transept a été réalisé en 1931 dans le style Art Déco par l’atelier Cagnart. Il montre Jean écrivant à la plume debout au pupitre, s’éclairant de l’autre main à l’aide d’une torche.

Dans la chapelle sud, près du reliquaire de Saint-Gautier, le décor peint en 1905 par le curé Renard propose des médaillons représentant la chapelle Saint-Gautier, la façade de l’église et le logis abbatial ainsi que Gautier priant, deux anges déroulent des parchemins où sont inscrits les noms des abbesses depuis la fondation de la communauté jusqu’à la Révolution française.